Notre Histoire

En 1945, le mouvement naturiste français se structure autour de la Fédération Française de Naturisme (pour la Vie au Soleil)


Principalement initié en France par les frères Durville et par Kienné de Mongeot à la fin des années 20, le mouvement naturiste a été interrompu dans son élan par la guerre. C’est sous l’impulsion d’Albert Lecocq et Christiane Lecocq que le naturisme Français prend un nouvel essor avec la mise en place des Clubs du Soleil et la création de la Fédération Française de Naturisme.

Albert Lecocq est né à Arras, le 13 août 1905. De santé fragile, comme Kienné de Mongeot, c’est en s’exposant au soleil en dehors des heures les plus chaudes, à Berck, qu’il retrouve la santé. Son implication dans le naturisme débute en 1929 en contactant le Directeur du Sparta Club pour rassembler quelques adeptes. C’est dans son bureau qu’il organise, en 1931, une réunion en vue de fonder une section de « Vivre » à Lille avec l’appui de quelques pionniers. Cette section s’installe au Fort de Séclin, un ancien site militaire désaffecté que les membres occuperont seulement en journée (le Centre Gymnique du Nord est installé aujourd’hui à Saint-Amand-les-Eaux et a fêté en 2012 ses 80 ans d’existence). Albert Lecocq y rencontrera, en 1932, l’amour de sa vie : Christiane. En 1934, le jeune couple Lecocq crée le Centre Naturiste et Gymnique de Normandie, avec, à sa disposition, un domaine de sept hectares à Sotteville-lès-Rouen, le château des Marettes. Le succès est au rendez-vous ; au bout d’un an, cette nouvelle section de « Vivre » compte plus de deux cents adhérents et obtient même une subvention annuelle de la ville de Rouen. En 1935, Albert Lecocq devient secrétaire général d’Air et Soleil à Franconville (au nord de Paris), un club qui refusait de passer sous la houlette de « Vivre ». Sous son mandat, l’association décuplera et rajeunira considérablement ses effectifs grâce, notamment, à des activités innovantes comme des séances de culture physique en nudité intégrale au gymnase du faubourg Saint-Martin à Paris, dès 1938. A la même époque, Albert Lecocq publie une petite revue, aux photos naturistes non floutées, intitulée « Libre Culture ».
C’est en 1941 que des désaccords naissent avec Kienné de Mongeot quant à l’avenir du naturisme. Inspiré par le tourisme social initié par Léo Lagrange en 1936, Lecocq désire développer un nudisme populaire. Kienné de Mongeot était, quant à lui, très entouré de comtesses, aristocrates et diplomates. Pressentant la fin de la guerre, deux mois avant l’armistice, Albert Lecocq crée le premier Club du Soleil sur sa propriété de Carrières-sur-Seine. Ce club est promis à devenir une section d’Air et Soleil mais, à la suite de divergences de points de vue avec le Pasteur Huchet, membre du bureau de la section, Lecocq décide de s’écarter définitivement du club de Franconville. Une dizaine de familles dissidentes d’Air et Soleil en deviennent les premiers adhérents. Puis, en 1949, la FFN se met en place et les premiers numéros de « La Vie au soleil » paraissent. Le Club du Soleil de Carrières-sur-Seine progresse rapidement : dès 1946, il enregistre 2.434 entrées, 8.184 en 1950. Une lente instillation des idéaux naturistes gagne l’opinion publique.


Puis, en janvier 1949, dans le premier numéro de « La Vie au Soleil », on lit dans la rubrique « actualités » que deux réunions se sont tenues au siège du Club du Soleil de Carrières-sur-Seine, les 28 octobre et 9 décembre 1948. Prélude à la Fédération Nationale, la création d’une Commission Interclubs est décidée. Vingt-et-une associations sont alors convoquées.


En réalité, la réunion du 28 octobre 1948 eut lieu au Plaza , le compte rendu de celle-ci sera volontairement passé sous silence pour ne pas froisser les personnes présentes, car rien de cohérent ne put en sortir à cause d’une trop grande disparité des mouvements représentés. Il ne se dégageait pas une ligne directrice claire. En fait, un zélateur avait envoyé des invitations, sans en avertir Albert Lecocq, et c’est ainsi que furent présents des représentants de produits de régime, des amateurs de sciences ésotériques, des partisans de la culture naturelle du sol, des espérantistes, des occultistes, des crudivores, des végétariens, des adeptes de Mazdaznan, de Krishnamurti ou de Lanza del Vasto. Une belle tour de Babel où tout le monde voulut prendre la parole pour défendre son point de vue !
Les invitations à la seconde réunion furent mieux maîtrisées.
« Ce n’est que quinze jours après que je pus réunir enfin les seuls représentants des associations naturistes et gymniques régulièrement constituées. »


Malgré la déception de la précédente réunion, les sociétés suivantes ont répondu présent : Air et Soleil, Amis de la nature, Amis de l’Île du Levant, Association Amour et vie, Association sportive et plein air (de Saint-Amand-les-Eaux), Association gymnique de France, Centre gymnique Sologne et Berry, Club du Soleil, Club gymnique du Nord (Lille), Force et nature (Nice), Gymno-club rhodanien, Naturistes d’Alsace (Strasbourg), Naturistes de Provence (Marseille), Organisation naturiste végétarienne espérantiste et pacifique, Société naturiste, Sun club (Lyon), Vie et lumière.
Un bureau est nommé et le siège provisoire est fixé à Paris au 33 rue Poissonnière, dans le deuxième arrondissement. La commission a défini le naturisme d’une manière très large :
« Pour éviter toute équivoque sur le sens des mots, on englobera sous le terme général de « naturisme » tout ce qui oriente l’homme vers une vie naturelle : « Le naturisme peut être considéré comme le titre d’un ouvrage dont : l’alimentation naturelle, l’ensoleillement intégral ou non, les pratiques de plein air, une éthique sexuelle basée sur les lois naturelles, le culturisme, l’éducation de la pensée et des sentiments, l’étude d’une morale naturelle, la recherche de forces naturelles inconnues, etc.., ne sont que des chapitres. Nous entendons respecter, avec la plus grande tolérance, les conceptions et les pratiques de chacun ».


La Commission se propose d’obtenir des résultats pratiques se résumant en trois points :

Défense du naturisme.

Propagande naturiste.

Action auprès des pouvoirs publics.


En Mai 1949, dans le numéro 2 de « La Vie au soleil », on lit :
«  Sur l’avis favorable des associations participantes, il a été décidé de transformer la Commission interclubs des groupements naturistes, organisme transitoire, en Fédération française de naturisme. Les caractères initiaux qui ont inspiré la Commission interclubs restent, bien entendu, inchangés. L’existence d’une fédération, pour un programme d’action naturiste vraiment efficace, se faisait trop sentir pour en différer sa constitution. Non seulement la fédération naturiste a pour mission de sauvegarder les intérêts des naturistes, mais elle a aussi un rôle important à jouer dans le domaine de l’hygiène, de la prévention sociale et de la santé publique. Il faut espérer que les pouvoirs publics encourageront l’action de la fédération, qui pourra prendre, dans l’avenir, une importance nationale ».


A cette date, la Ligue contre le tabac du Docteur Poucel, qui en est le président, a rejoint la liste des associations ayant répondu à l’appel de la Commission interclubs. Le représentant de la Ligue contre le tabac auprès de la FFN est le Docteur G. Valot. Le Docteur Fougerat de Lastours représente l’Association gymnique de France.
La composition du comité de direction de la FFN se présente comme suit : H. Laverrière, président ; G. d’Arras, H. Legrand, vice-présidents ; Albert Lecocq, qui était également directeur de « La vie au soleil », secrétaire général ; A. Houceline, sécrétaire-adjoint ; G. Sarrou, trésorier ; Dr Fougerat, administrateur ; L. Pollet, chargé de mission propagande ; Mme Dazin, documentation ; J. Waiss, presse.
« L’idée générale reposait sur le concept de la définition adoptée soit : ‘Le naturisme est l’ensemble des règles qui orientent l’individu vers une vie naturelle’. La doctrine de base était posée ; végétarisme et nudisme n’apparaissaient que comme des chapitres de cette doctrine et ne formaient pas des entités complètes, isolées d’un contexte général. »


C’est dans ce contexte que fut élu Henri Laverrière, alors président de la Société naturiste (facultativement nudiste) qui gérait l’île de Villennes-sur-Seine. Le mot « naturisme » fut choisi pour représenter toutes ces diverses écoles de pensée, la préservation de la santé se retrouvant au centre des préoccupations de tous. Le nudisme était une méthode pour accéder à l’idéal naturiste, mais pas une fin en soi. Des associations peu nudistes furent donc intégrées et affiliées à la toute jeune Fédération française de naturisme, comme le Trait d’union, la Société végétarienne de France, etc. Cet aspect œcuménique en agaçait certains représentants naturistes car, sous une apparence ouverte, il avait tendance à noyer l’aspect premier : la nudité.


Avec la FFN, la volonté d’aboutir à une organisation méthodique d’un mouvement structuré et encadré rassure et provoque déjà les premiers contacts avec les autorités. Il s’agit d’adopter un militantisme réfléchi mais constant, pour obtenir rapidement une reconnaissance de l’État. L’émulation suscitée est importante et va parfois au-delà de nos frontières avec, notamment, la reprise de rassemblements internationaux en vue de la création d’une Fédération naturiste Internationale (FNI). La première réunion internationale d’après-guerre se tiendra à Londres en 1951 ; Gilbert Sarrou et sa femme seront les seuls Français présents.
Rapidement, les membres du conseil d’administration de la FFN remarquent qu’il vaut mieux privilégier la qualité que la quantité parmi la liste des associations affiliées, afin de rendre compréhensible pour tous les buts de la nouvelle Fédération. En effet, nombre d’adhérents de ces diverses structures étaient plus ou moins naturistes dans l’esprit mais pas dans les faits (Quakers, Mazdaznans, théosophistes, occultistes, radiesthésistes). C’est en faisant allusion à ces multiples courants de pensée qu’en 1952 qu’Albert Lecocq déclare : « Il faut débarrasser le naturisme de tout ce qui l’encombre ». Cette décision a permis de définir une ligne directrice unitaire pour la Fédération nationale. Celle-ci axe son travail essentiellement sur trois thèmes principaux : promouvoir une vie saine, défendre des valeurs éducatives et, enfin, implanter le plus possible de terrains naturistes.


Du côté de « Vivre », Kienné de Mongeot décide de créer, à la fin de la guerre, un mouvement international de propagande en faveur de la libre culture : la « Société Internationale de Gymnosophie ». Elle regroupe alors neuf sections : Casablanca, Lille, Lyon, Marseille, Rabat, Reims, Saint-Dié, Strasbourg et Toulouse. Si Kienné de Mongeot déclare, dans le numéro de « Vivre d’Abord » de décembre 1948, être en faveur d’un regroupement fédéral, initiative vivement soutenue par son ami Fougerat de Lastours, il souligne que la SIG étant internationale, « Vivre » ne peut logiquement pas faire partie d’une fédération nationale :
« D’autre part, Vivre qui a lancé la première l’idée gymnique et gymnosophique en France, donnant ainsi un formidable essor au « naturisme » est trop d’avant-garde pour se lier à une organisation quelle qu’elle soit. Nous entendons garder notre plus entière indépendance d’idées et d’action. Cela n’empêchera pas Vivre de soutenir par sa publicité cette initiative qui est heureuse. Nous croyons qu’il est nécessaire, en effet, de réunir toutes les sociétés existantes en une Fédération, à l’instar des sociétés sportives ».


Par la suite, l’histoire sera rapidement réinterprétée probablement par manque d’information. On affirmera que le congrès naturiste d’Angleterre du 8 septembre 1951 au North Kent Club était la première émanation d’une institution internationale naturiste, oubliant le rassemblement de Francfort en 1930. Cette réunion sera baptisée « la première conférence internationale de naturisme ». Toutes les réunions et échanges culturels d’avant-guerre semblent avoir été oubliés, ce qui contrarie profondément Kienné de Mongeot. A la FNI, Gilbert Sarrou représente la France. L’Allemagne, l’Autriche, le Canada, le Danemark, la Norvège, la Suisse et les USA sont les autres pays présents. La seconde conférence internationale est prévue le 31 août 1952 à Thielle, au centre de Die Neue Zeit. La création de la FNI sera effective en 1953, au centre Hélio-Marin de Montalivet.

Bruno SAUREZ

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